[ Athletisme ] Baala n'a pas pris le train

Enorme déception pour le camp français mardi soir dans le Nid d'Oiseau : Mehdi Baala a échoué à la quatrième place de la finale du 1500 m. Il s'est réveillé trop tard dans une course plus rapide que prévue. Le favori bahreïnien Rashid Ramzi a tenu son rang : il est champion olympique.
«Je me suis sorti les tripes», affirme un Mehdi Baala forcément «frustré.» (L'Equipe)SUR LE MÊME SUJET
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Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas pour l'équipe de France d'athlétisme. Lundi, il y avait eu la médaille inattendue de Mahiedine Mekhissi-Bennabad au 3000 m steeple. Mardi, ça a été la désillusion de Mehdi Baala, attendu sur le podium du 1 500 m et finalement classé à la plus mauvaise place de la finale. «C'est dommage, a regretté le double champion d'Europe en titre. Il y a quatre ans, je n'étais pas en finale des Jeux Olympiques. Là, j'y suis mais je fais quatrième. Je suis frustré parce que j'ai fini à cette place. Si j'avais été cinquième, j'aurai pu dire que j'étais satisfait, que j'avais tout donné. Mais là...» A bien y regarder, Baala n'a en fait jamais vraiment pris part à cette finale enlevée par Rashid Ramzi, Marocain devenu citoyen de Bahreïn, en 3'32''94.


Le Lillois n'a fait que suivre le rythme imposé par les animateurs d'une course démarrée sur les chapeaux de roue. Que ce soit aux 300, aux 700 ou aux 1100 mètres, il a toujours été un coureur anonyme à l'intérieur d'un groupe compact. A la cloche, le Kényan Kipruto Kiprop - qui sera médaillé d'argent en 3'33''11 quelques secondes plus tard - a été le premier à passer à l'attaque. Dans son sillage, il a entraîné Rashid Ramzi. De Mehdi Baala, point. Pire encore, le Français s'est retrouvé relégué en avant-dernière position dans la ligne droite opposée ! Il a seulement placé une accélération dans le dernier virage et entamé un sprint désespéré. On l'a ainsi vu remonter un à un les concurrents, alors que Ramzi, lui, s'était détaché de Kiprop. Entre Baala et les deux premiers de ce 1500m, il ne restait plus qu'un homme : le Néo-Zélandais Nicholas Willis, inconnu au bataillon, le Mahiedine Mekhissi-Bennabad de cette finale ! Mais Willis s'était bien positionné pour la médaille de bronze et Baala a été trop court pour cinq centièmes (3'34''21) ...


Dirringer : «Problème de récupération»

«Je n'avais plus de jambes, j'étais fatigué, a-t-il confié. J'ai eu du mal à aller jusqu'à l'endroit où j'ai accéléré. Puis je me suis réveillé, je me suis sorti les tripes. J'ai rattrapé un coureur puis un deuxième, un troisième. Le groupe a commencé à exploser. Je me suis dit : il faut continuer.» Jean-Michel Dirringer, son entraîneur, n'y croyait plus à cet instant précis : «Quand il a fait ça, c'était pour l'honneur.» Et le technicien de livrer son explication : son protégé a perdu suite à un problème de récupération. «Ça concerne tous les finalistes, c'est sûr, a-t-il lâché, désabusé. Mais, lui, il a moins bien récupéré. A l'échauffement, j'ai vu qu'il était fatigué. La course a été rapide, il a dû puiser dans ces réserves pour la terminer. Pendant les Jeux, il y a eu quarante-huit heures de récupération entre chaque course, ce n'est pas beaucoup pour des 1500 m de très haut niveau. Une course comme ça, ce n'est pas le favori qui la gagne, c'est celui qui a le mieux récupéré. »

Hicham El-Guerrouj, légende de la discipline (*), a admis, lui aussi, la faiblesse physique de Mehdi Baala. «C'est une grande déception pour moi, a déclaré le Marocain. J'aurai aimé le voir sur un podium olympique. Il a eu une gestion tactique sereine et mature mais il lui a été impossible de finir.» Pour le Français, c'est un nouveau coup dur, lui qui avait manqué les finales des Jeux d'Athènes (blessé) et des Mondiaux d'Helsinki (malade) et d'Osaka (disqualifié). Et, à trente ans, l'heure tourne. «Les années, je commence à les compter, c'est vrai, a reconnu Baala. J'ai fait beaucoup de sacrifices notamment au niveau de ma famille. En même temps, j'espère encore pour la suite...» Et l'homme déçu qu'il est de finir sur une pirouette : «Est-ce que c'est loin Londres ? Non puisque j'habite à Lille !...» Et plus sérieusement : «Non ce n'est pas loin.»

(*) Hicham El-Guerrouj a été champion olympique du 1500 m en 2004, année où il a aussi décroché l'or au 5000 m. Il a été quatre fois champion du monde du 1500 m de 1997 à 2003.